En janvier 2014, au Campus du Sart-Tilman de l’Ulg, le professeur Olgierd KUTY de l’Université de Liège et chercheur associé au CSO (CNRS, Paris)  a organisé un colloque consacré à la médiation scolaire. Il s’agissait de faire le point sur les travaux entrepris par son équipe (1).

[box] (1) KUTY O., SCHOENAERS F., DUBOIS Ch., DETHIER B., La médiation scolaire. Un regard des acteurs sur leurs pratiques, Liège, Presses Universitaires de Liège, coll. Essai, 2012.

Lire le compte-rendu qu’en fait la revue de l’Université de Liège : http://reflexions.ulg.ac.be/cms/c_43839/la-mediation-scolaire, consulté le 12-05-2016.[/box]

A cette occasion, Anne Barrère, observatrice invitée, de l’Université Paris-Descartes, auteure de « Les établissements à l’heure des dispositifs » (2) a livré ses impressions à propos de la médiation scolaire pratiquée en Belgique francophone.

[box] (2) BARRERE A. Les établissements scolaires à l’heure des dispositifs ? Carrefours de l’éducation, N° 36, 2013/2, Armand Colin, 248 p.

Lire le compte-rendu qu’en fait la revue en ligne Cairn-info : http://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2013-2-page-9.htm , consulté le 12-05-2016. [/box]

Compte-rendu  de l’intervention de Anne Barrère :

 

Deux regards macro : premièrement, l’impasse de l’organisation et secondement, le retour de l’éducatif.

Premièrement : l’impasse de l’organisation

 

Ces nouveaux dispositifs apparus dans les années 80 sont une réponse aux impasses organisationnelles de l’école.

Tout d’abord, la forme scolaire de la « classe » est dépassée. On entend par classe, le regroupement d’élèves d’une même classe d’âge, dans un espace défini et particulier, dans un temps contraint (de 50 minutes) et où le maître entretient une relation impersonnelle avec les élèves puisque la règle s’applique à tous. Cette forme scolaire interdit à l’enseignant de singulariser son enseignement.

La médiation nuance cette impersonnalité et la singularise. Ce en quoi elle répond à l’évolution sociale qui tend à la singularité. De ce point de vue, l’école est une forme dépassée.

Ensuite, le modèle de régulation bureaucratique voit les médiateurs évoluer dans un entre-deux balançant entre une incertitude sur le cadre d’insertion et/ou l’usage d’un cahier des charges qui apporte du confort au travail. Cette situation crée de l’incertitude, de l’usure mais est quelque part plus responsabilisant. Cela nécessite une gestion des contradictions entre ces deux systèmes, entre liberté et inconfort.

Secondement : le retour de l’éducatif

 

La médiation scolaire est un vecteur du renouveau de la question éducative. Aujourd’hui l’éducation sort de l’école car elle devient buissonnière et on s’auto forme, notamment grâce à internet et aux réseaux. La médiation est au cœur de la question.

Actuellement, il y a un déficit du projet éducatif dans les écoles en Occident.

D’une part, l’instruction se trouve dans une impasse car elle ne parvient à faire réussir les classes populaires et met une pression destructive sur les élèves qui touche à l’estime de soi. Le rôle de la médiation est de réparer les dégâts.

D’autre part, la socialisation se caractérise par une pluralité normative qui appelle à la négociation.

La médiation scolaire harmonise et orchestre cette pluralité.

Elle remet de l’eau au moulin de l’éducation (voir à ce propos les valeurs du service dans le Projet de service des médiateurs scolaires bruxellois de la Direction Générale de l’Enseignement Obligatoire). Elle pose la question du sujet, du type d’individu qu’on forme (qui dialogue, qui est non-violent, …). Les médiateurs sont-ils seuls à porter cela ? Maurice Tardif et Louis Levasseur développent la question dans leur ouvrage, La division du travail éducatif (3) .

[box] (3) TARDIF M., LEVASSEUR L., La division du travail éducatif, Une perspective nord-américaine , Collection Education et société, PUF, 2010.

Lire le compte-rendu qu’en font les Cahiers pédagogiques : http://www.cahiers-pedagogiques.com/La-division-du-travail-educatif , consulté le 12-05-2016.[/box]

 

La force des médiateurs scolaires est leur faiblesse :

 

Ceux-ci incarnent des finalités éducatives sans qu’il y ait de débat sur celles-ci (relations interpersonnelles, bien-être, huile dans les rouages, …). Il y a une positivité inhérente à cette mise en œuvre mais on discute seulement des modalités.

  • Il s’agit d’une forme d’institutionnalité différente, on agit, dans la positivité mais celle-ci fait l’économie des finalités.
  • Est-ce que cela favorise l’efficacité scolaire ? Ou d’autres finalités sans que cela soit dit ? Par exemple, le sujet citoyen du monde.
  • Le problème est le retour de cette philosophie éducative à bas bruit . ..
  • Passionnant mais épuisant. C’est une présence éducative par défaut dans un système silencieux, dans des dispositifs polymorphes.

 

Compte-rendu par Philippe Rase